De l'éducation

Tous les bons esprits sont aujourd'hui d'accord sur l'éducation qui convient aux jeunes garçons. Un jour ils seront hommes à leur tour, et puisqu'ils auront alors à vivre continuellement entre eux , on ne saurait mieux faire que de les y habituer dès l'enfance. L'éducation publique n'entretient pas seulement l'ardeur de l'étude parmi les jeunes gens, elle assouplit encore leur caractère et les corrige de leurs défauts. Grâce à la franchise si 'naturelle à cet âge, l'orgueilleux, le fourbe, le menteur , l'égoïste trouvent dans leurs jeunes condisciples des censeurs d'autant plus utiles que ces railleurs impitoyables sont prompts, agiles et dispos. On a bientôt oublié près d'eux les molles ou serviles complaisances de la maison paternelle.

L'éducation particulière donne aux hommes ou trop de timidité ou trop de présomption ; au collège , ils sont avant peu corrigés de l'une et de l'autre. En se mesurant tous les jours un enfant apprend à connaître ses forces et sa faiblesse ; au milieu de cent jeunes camarades , il suit plus librement ses inclinations naissantes : on peut voir aisément ce qu'il doit être un jour. Le général futur s'exerce à l'art militaire en faisant manœuvrer des grenadiers de cinq ans , et l'avocat dispute en sixième, sur la syntaxe, long-temps avant d'argumenter sur le Code. Celui que des succès ont constamment signalé dans ses classes;' celui qui  protège le faible , qui partage avec le moins fortuné , qui aide le moins laborieux , est estimé , connu de tous ; on l'aime : c'est sous de tels auspices qu'il entre à dix-buit ans dans le monde.

Dans un âge exempt de prévoyance et bien plus encore de calculs , on ne connaît pas l'utilité des liaisons formées dès la jeunesse, on n'en sent que le charme. La naissance, le rang, la fortune y sont-ils  jamais entrés pour quelque chose  d'humeur, de plaisirs ou d'occupations en forment seuls la conrenance et l'agrément. Mais  l'avantage de ces liaisons ne doit point échapper aux pères de famille.