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2024-06-25Filip Adamus: Przynieś mi świt
2024-07-04René Lavolée: La poésie latine en Pologne
Parler aujourd'hui de poésie latine et de Pologne, c'est assurément une tentative hardie, pour ne pas dire téméraire. La Pologne a perdu, chez nous, un peu de son ancienne faveur. · Quant au vers latin, il est en suspicion, en quarantaine ; que dis“je? naguère encore, il était, de par M. Jules Simon, bel et bien condamné á mort, sans jugement, mais non sans appel.
Ces réflexions que fera le lecteur et que nous nous sommes déja faites à nous-mème ne nous ont pas arrêté. Précisément A cause du discrédit qui paraît s’attacher actuellement, avec si peu de raison, aux études classiques, il nous a semblé qu'il ne serait pas sans intérèt de rechercher ce que ces études ont fait, dans le passé, pour la civilisation de l'un des premiers peuples de l’Europe. Au moment ot on semble leur contester la puissance de former des hommes, nous avons cru qu’il y avait quelque utilité à rappeler qu’elles ont civilisé un peuple et constitué une nationalité.
Ce peuple est la Pologne, cette nationalité est la nationalité polonaise.Slaves de race et d'origine, les Polonais sont devenus des fils de l'Occident, sous l'action des deux grandes forces qui ont créé l’Europe moderne : la foi catholique et l'étude de l'antiquité. Ce sont ses prétres et ses poétes du moyen áge, les uns et les autres parlant en latin, qui ont fait la Pologne ce qu'elle fut au temps de sa prospérité, ce qu'elle est encore aujourd'hui, et ils l'ont faite latine. Une étude rapide de leurs ceuvres suffit pour s’en convaincre.
Après avoir vaincu le monde par les armes, Rome se l’assujettit par ses colonies. Non-seulement elle en couvrit l'Italie et le littoral de la Méditerranée ; mais encore au delá des Alpes, au milieu de peuples barbares et à peine connus, elle en créa plusieurs qui devinrent les postes avancés et comme les digues protectrices de l'empire. Sans parler de tant de grandes villes que des colons latins fondèrent en Gaule, en Espagne, en Afrique et en Illугіе, les Pannoniens, les Daces, les Moesiens et les autres peuples de la vallée du Danube recurent des Romains les premiers germes de civilisation. Longtemps après la chute de l'empire, ils conservaient encore les traditions de leurs vainqueurs. Habitués à la langue latine, au costume romain, aux mœurs romaines, ils ne se laissaient pas détourner de leurs anciens usages par l'exemple des peuples voisins, et aujourd'hui encore on croit parfois reconnaitre en eux les contemporains de l'empereur Trajan.
lI en fut autrement des peuples qui, dans les premiers siècles” de notre ére, habitaient le territoire de la Pologne. Défendus par les Carpathes et mieux encore par la rigueur de leur climat, ils ne furent pas méme inquiétés par les légions rómaines; mais l'invasion des barbares les fit disparaître et amena l'établissement d'une branche de la grande famille des Slaves, les fils de Lech, dont les descendants forment la race polonaise actuelle. Leurs nombreuses tribus nomades, sans cesse en guerre, soit les unes contre les autres, soit contre les peuples voisins, se répandirent dans les plaines immenses qui s'étendent de l'Oder à la Dwina et de la Baltique aux Carpathes. (...)
Lorsqu'au sortir de la Moravie, le premier apdtre des Polonais, S. Méthode, et ses disciples (1) se hasardérent parmi les innombrables tribus slaves, unies par le souvenir de leur commune origine et vivement attachées à leurs anciens usages, ils eurent soin de ne pas heurter par la nouveauté de la langue et par d'imprudentes exigences ces esprits fiers et indomptables. Ils s’abstinrent donc prudemment de toute allusion à leurs besoins temporels, célébrèrent les saints mystères en langue slave et réussirent ainsi à faire entrer dans le sein de l'Église grecque un grand nombre de Polonais, surtout des confins de la Moravie. Ces conversions ne s'opérérent cependant, au début, que dans les derniers rangs du peuple; le duc de Pologne et ses seigneurs restèrent opinidtrément fidèles au paganisme, jusqu'au jour où la foi catholique leur fut apportée d'Occident par Dombrowka, fille du roi de Bohème. Douée d’une grande beauté et d’une rare intelligence, cette princesse épousa, dans les premières années du "تا siècle, le duc de Pologne, Micislas 1“, et, après trois années d’instances et de prières, elle parvint, malgré la plus vive résistance, à lui faire recevoir le baptème. Aussitôt, entraînés par l'exemple de leur souverain, les grands abjurérent leurs anciennes erreurs, et, à la voix de Jordanus, premier évêque de Pologne, le duché de Pologne, puis la Petite-Pologne, la Silésie et la Mazovie embrassèrent la foi catholique. Pour diriger la nouvelle Église et en favoriser le développement, le pape envoya de Rome des évêques italiens ou bohémes (2) et des prétres qui, malheureusement, ne savaient pasle polonais. Micislas et son fils Boleslas, qui prit le premier le titre de roi, fondérent des monastères et appelèrent les bénédictins en Pologne, pour y répandre, à l’aide du latin, la foi catholique en mème temps que le goût des lettres.
Grâce à la faveur da roi, tout alla bien d’abord pour le clergé ; mais lorsque, oubliant les exemples de prudence que lui avait donnés S. Méthode, il entreprit d'assujettir de haute lutte la nation polonaise indépendante et fière, au lieu de se la concilier par la persuasion, il amassa sur lui des haines ardentes qui devaient, à la première occasion, se traduire en actes de violence. Observateurs serupuleux des coutumes de leurs ancêtres, adonnés à l’agriculture, généralement pauvres et jaloux de leur liberté, les Polonais s’offensèrent de la hauteur des prêtres et surtout des moines, déjà suspects en qualité d'étrangers : ils leur reprochaient de mépriser la langue slave, de vouloir imposer les rites romains, la langue latine, de détruire les monuments consacrés au culte paten et surtout d'exiger avec trop d’âpreté l'acquittement des dimes. Aussi lorsqu’à la mort du roi Micislas, en 1037, les nobles de Pologne détrônèrent son épouse Ryxa, tutrice de Casimir 1, que son origine allemande et son humeur violente leur rendaient odieuse, ils chassèrent aussi les prêtres et apostasièrent en foule .
La Pologne eut alors à traverser une crise aussi longue que terrible : le roi expulsé, plusieurs prétendants se disputaient le trône; les querelles religieuses envenimaient les dissensions politiques; les nobles se faisaient une guerre acharnée; les prétres, loin de réussir à calmer les esprits, pouvaient à peine se protéger eux-mêmes, et les paysans, exaspérés par de longues souffrances, portaient partout le ravage et l'incendie. Quand, au bout de vingt ans, Casimir parvint enfin à rétablir la paix, le christianisme avait reçu en Pologne une atteinte profonde, et les premiers germes d'instruction, qui avaient commencé à s’y développer, n’existaient plus. Plein de douceur et de piété, le roi Casimir avait été élevé en exil par les bénédictins de Liége, et, lorsqu’il fut rappelé en Pologne par le vœu unanime de la nation, il se préoccupa surtout de remettre en honneur le catholicisme.
dégagé des abus qui l’avaient compromis et de répandre parmi ses sujets le goût de l'instruction. ll ne réussit qu'à demi dans l’accomplissement de cette tâche. La religion, grâce à la réduction des dimes et au choix d’évéques polonais, reprit bientôt son ancienne autorité et devint même si populaire que, depuis, ni hérésies ni persécutions n’ont pu l’ébranler. Mais comment les lettres, pour ainsi dire exilées de Pologne, auraient-elles pu y refleurir, alors que partout elles languissaient? Casimir II ne négligeait rien cependant pour réveiller le goût de l'étude par ses encouragements et par son exemple : très-lettré lui-même, il recherchait le commerce des savants, se faisait lire souvent les vies des Pères et des hommes illustres, chargeait Kadlubek (1) d'écrire l’histoire de Pologne et déclamait des vers latins au son de la lyre. Ce fut en vain. La poésie latine était tellement déchue que la faveur royale ne put lui rendre la vie. Ce n’est pas qu’il n’y eût, à cette époque, des auteurs occupés à composer des vers latins; mais quels vers! Durs, incorrects et faux le plus souvent, d'un style barbare, d'une diffusion extrême. Le poëte n'exprimait aucun sentiment intime, aucune pensée personnelle, ne cherchait aucune idée originale; auteur d’épitaphes ou de dialogues scéniques, il faisait le plus souvent œuvre de courtisan et n’échappait guère à la vulgarité.
Ce fat vers cette époque que les représentations scéniques commencèrent en Pologne, à peu près de la même manière que les soties et les mystères en France et la tragédie antique en Grèce. Les Slaves et les Poméraniens avaient, au temps du paganisme, l'habitude de célébrer leurs fêtes par des pantomimes. Suivant Kosma, les paysans bohèmes, bien longtemps après leur conversion au christianisme, se réunissaient encore dans les forêts qui leur servaient de cimetières et auprès des sources, pour y apporter des présents aux bons ou mauvais génies, surtout les troisième et quatrième dimanches après Pâques. En Pologne, lorsqu'un homme venait de mourir et avant qu'on Venterràt, ses parents masqués parcouraient les rues, . en faisant des gestes de douleur et en répétant des chants funèbres, dans la pensée que ame du défunt en serait soulagée. A plusieurs reprises, l'Eglise condamna ces coutumes, sans
parvenir à les faire complétement disparaitre, et peu à peu le retour des pélerins ou des croisés fournit au peuple, de l'aveu méme du clergé, l'occasion de satisfaire sa passion pour les représentations théâtrales. Portant à leurs chapeaux des images bénies, enveloppés de longs manteaux autour'desquels étaient enroulées des peaux de reptiles, les pélerins de Rome, de Lorette ou de Compostelle devenaient, à leur arrivée, l'objet de l'attention de la foule ; ils s’asseyaient au milieu d'auditeurs attentifs, sur les marches d'une église ou dans un cimetiére, et racontaient d'abord les aventures et les miracles de leur pèlerinage, quelquefois aussi la passion de Notre-Seigneur et la vie de la sainte Vierge. Plus tard, quand le goüt de ces récits fut devenu général, le pélerin, moyennant quelque argent, montait sur des tréteaux, attirait la foule au son d'une cornemuse, gesticulait et simulait un dialogue. Ce fut lorigine du théátre en Pologne; mais ces représentations primitives ne tardérent pas à changer de caractère : de sacrées elles devinrent, profanes, et, comme elles finirent par avoir lieu dans l'intérieur même des églises, les papes n’hésitèrent pas à renouveler leurs censures (1).
La passion du théâtre n’en fut cependant pas diminuée. Elle se: développa au contraire de plus en plus et devint bientôt si forte que tous les événements populaires étaient célébrés sur les tréteaux par des poëtes improvisés, soit en polonais dans les rues, soit en latin dans les monastères et dans les châteaux de la noblesse. A l'exemple de tous les auteurs de ce temps, les Polonais personnifiaient les idées et les sentiments, leur donnaient corps et leur prétaient une voix, si bien, que Pon voyait sur la scène Vertu, Vice, Honneur, Piété et d'autres abstractions semblables. Nous en trouvons la preuve dans un fragment d’une pièce de théâtre qui fut, dit-on, représentée par les grands du royaume à la mort de Casimir le Juste, en 1404. On voyait à la fois sur le théâtre Joie, Tristesse, Liberté, Justice et Prudence, réunies pour célébrer les vertus du roi et pour se consoler mutuellement. Joie se plaignait d’abord d’avoir, depuis la mort d'un si bon roi, Tristesse pour compagne, et elle s’adressait en ces termes aux spectateurs :
Je n'ai pas honte de ma douleur, mais j'ai douleur de ma honte’ et de la compagnie du chagrin. Triste, је me plains de Tristesse, qui tresse avec mes guirlandes de fleurs des couronnes funèbres. J'étais unie à plus qu'un roi, que je chérissais, que je préférais à des milliers de rois. 11 vient de subir la loi de la mort, et sa perte me fait souffrir toutes les tortures du trépas....
Tristesse. — Rechercher les causes des causes, faire procés sur ` proces, c'est l'abus du droit. Pourquoi viens-tu ainsi dans notre demeure? pourquoi faire impudemment tant de bruit? Tu pleures, tu te lamentes ; pourquoi, je te prie, ces lamentations nocturnes arrosées de larmes? Tu en répands une riviére, tu pourrais y naviguer...
Joie à Liberté. — Voici Liberté! voici ma soeur! Tu vois les ‘gages que Tristesse me donne de notre union! Voilà ses instances, dès que j'hésite ; c'est ainsi qu'elle prétend me pousser au déshonneur, á force de reproches.
Liberté. — Honneur pleure, Piété pleure, toute l'assemblée des vertus est dans l'angoisse et dans les larmes. Tout sexe, tout áge a vu mettre prématurément un terme à son bonheur...
Ces puérilités remplissent des centaines de vers, tous de méme mesure et rimant entre eux, mais tellement barbares de style et de construction qu'on peut à peine en saisir le sens et qu'on n'y distingue clairement que la continuité d'un mortel ennui.
La poésie latine en Pologne avait, on le voit, á son origine, un „caractère essentiellement historique : nous en trouvons encore la preuve dans des chroniques en vers ou sont célébrées les victoires des Polonais. Au commencement du xv? siècle, une pièce de ce genre fut, dit-on, inscrite sur les murs du cháteau de Ladislas Jagellon à Cracovie, et on distinguait encore la trace de cette inscription il y a quelques années. Dans ces ,vers tambiques, trés-durs et trés-incorrects, était racontée la victoire remportée par Ladislas sur les chevaliers de l’ordre Teutonique à Grünwald, en 1410 :
L’an 1410, le 15 du mois de juillet, anniversaire de la dispersion des apótres (?), aprés la messe, on voit paraitre une troupe de guerriers, brillante et superbe, mélée de chevaliers Porte-croix et de Prussiens. Elle s'avance, elle met toute sa confiance dans ses armes; au mépris du Dieu du ciel, chaque soldat jure en sa Jangue..... Cette troupe nous envoie des parlementaires qui présentent au roi deux glaives nus, jugeant sans doute superflu le secours de la croix. Cette troupe superbe demande, exige avec menaces que le roi choisisse le lieu de combat, méprisant ainsi la trêve, la paix et l’alliance que Ladislas était, dès ce moment, prêt à leur accorder. Alors, ayant reçu ces glaives nus qu’on lui enyoyait, en le sommant de choisir le lieu du combat, le roi de Pologne, qui, nouveau David, sauva son peuple des fureurs de Goliath, exhorte tous ses soldats et leurs chefs,.... Sera-ce impunément que cette nation....., notre ennemie acharnée....., foulera aux pieds la paix et les traités pour courir au combat?... " (...).
A l’époque où s’écrivaient de pareils vers, il n'y avait pas, à vrai dire, de poésie latine en Pologne : les poëtes polonais n'avaient encore, en effet, ni une grande nation à chanter, ni les modèles de la littérature latine à imiter. Au ху’ siècle, tout change : l'annexion de la Lithuanie double la Pologne et la met au rang des plus puissants royaumes; en méme temps, Constantinople tombe aux mains des Turcs, qui se répandent sur les bords du Danube en les ravageant et tentent vainement de renverser l’obstacle que leur opposent la Pologne et la Hongrie, ces remparts de l'Europe; enfin, quelques Grecs, fuyant la barbarie musulmane, se réfugient en Pologne et y deviennent, comme partout, les initiateurs du peuple à l'étude des lettres et des beaux-arts. On voit alors s'épanouir, pour ainsi dire, le génie littéraire des Polonais : du sein de ce peuple, sortent des hommes qui se vouent à l’œuvre de la renaissance, comme professeurs ou comme écrivains.Il suffit de nommer les principaux : Stanislas Cyolek, né en 1428, évèque de Posen, zélé collectionneur de poëmes antiques, et lui-même écrivain estimable , Adam 'Swinka, l’un des chanoines de la cathédrale de Cracovie ; Grégoire de Sanok, tellement adonné au culte des lettres qu’il considérait leur étude comme non moins nécessaire à l'esprit des jeunes gens que la nourriture à leurs corps, et si fortement pénétré de la grandeur de son art qu’il osait à peine communiquer ses ouvrages à ses amis et même leur cachait avec une sorte de honte ses nombreuses élégies, ses épitaphes et ses épigrammes . Quant aux autres poètes latins de la même époque, il faut sé borner à citer leurs noms : Casimir, pieux et fécond poëte de la sainte Vierge; Nicolas Kotvitz, Sascrovicz, Jean d'Oswiecin, Corvin qui chanta Cracovie, enfin Conrad Celtes qui célébra la Vistule et ses rives fertiles dans une poéme dédié à ce fleuve.
R. Lavolée, La poésie latine en Pologne, Paris 1873, pp.1-7.
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